Se fermer comme une huître, faire la tronche, bouder… Si cette tendance est fréquente dans l’enfance, certains adultes n’en sortent pas. Pourquoi?
« Pourquoi tu fais la gueule?
Qu’est-ce que j’ai dit? Qu’est-ce que j’ai fait? » Ces questions, les
conjoints de personnes boudeuses les posent plus souvent qu’à leur tour. Tout
va bien, l’ambiance est joyeuse, et hop, d’une minute à l’autre, la personne
que vous avez en face de vous se ferme. Parfois, elle restera dans le mutisme
pendant des heures… voire des jours!
Un trait qui ne s’estompe pas avec l’âge
Si ce trait de caractère est fréquent
dans l’enfance et l’adolescence – avec les bras croisés, les sourcils froncés
et la bouche en cul-de-poule – il devrait disparaître ou du moins s’estomper à
l’âge adulte. Mais de nombreuses personnes gardent ce pli, qui s’avère
déstabilisant pour l’entourage. On peut excuser un enfant boudeur car il est en
plein développement. Avec un adulte, c’est moins évident!
« Je boudais souvent quand j’étais
ado, et ce fonctionnement est toujours là, constate Caroline, 40 ans. Je le
fais principalement avec mon ami. Je m’éloigne et je ne lui parle plus,
j’utilise tous les signes qui lui feront comprendre que je ne suis pas
contente. Et ce n’est pas toujours facile à désamorcer! Dans le fond, ce serait
à moi de m’exprimer. Ce serait plus constructif. Mais c’est une émotion que je
n’arrive pas à verbaliser ».
Pour le Dr Nicolas Belleux,
psychiatre et psychothérapeute, le fait de bouder est un mécanisme de défense.
« La personne a été touchée de plein fouet dans ses valeurs, sa fierté. C’est
si douloureux qu’elle n’a d’autre choix que de se replier sur elle-même ».
Face à un mur
Exemple :
prenez une personne au chômage qui doit trouver un nouvel emploi. Cette
démarche l’angoisse, elle va donc avoir tendance à tout faire pour éviter la
confrontation avec une situation difficile. À la fin de la journée, son
conjoint lui demande : « Alors? T’as cherché du boulot? » Confrontée
à la réalité froide et pragmatique, la personne va se fermer comme une huître,
alors que la principale responsable, c’est elle! Explique le psychiatre. Le
boudeur souffre car il est obligé de regarder ses angoisses en face. Mais
avouer une angoisse et demander de l’aide est souvent surhumain. Résultat :
le conjoint qui a posé une question banale se retrouve face à un mur.
Le
mur. C’est le mot fort utilisé par Louis, marié depuis 50 ans avec une épouse à
tendance boudeuse. Comment a-t-il géré ces accès de mutisme, dont un qui a duré
deux semaines? « La seule façon c’est de la laisser tranquille et
d’attendre qu’elle remonte petit à petit. Le reste ne marche pas, que ce soit
la plaisanterie ou l’énervement. »
Pour certains, un
paravent d’émotions
Pour
le Docteur Belleux, ce type de comportement peut réveiller d’autres angoisses
et engendrer une spirale infernale. Il relève également un aspect manipulateur
dans ce fonctionnement. Tant que la personne boudeuse ne prend pas la
responsabilité de ses actes, elle ne va pas s’en sortir. Mais idéalement, pour
débloquer la situation sur le moment, le conjoint – car oui, celui-ci est une
cible privilégiée! – devrait prendre sur lui, respirer, et clarifier sa pensée.
« Je sais que ce sujet te tracasse, je ne veux pas te blesser, je suis là
pour toi, etc. » Bref, enfiler une bonne paire de gants. Ce qui n’est pas
donné à tout le monde!
« Caroline
avoue faire la tronche sur le fait de ne pas avoir raison. Et ça me fâche ».
Elle qualifie ce trait de caractère comme étant son « paravent d’émotions ».
Aujourd’hui, elle parvient de temps en temps à se raisonner, à stopper le
processus.
Avec
les années, ferait-on moins facilement « la pote » selon l’expression
100% helvétique? Malheureusement non. Ou du moins, rien à voir avec le temps qui
passe, mais plutôt avec une prise de conscience, selon les conséquences de la
bouderie. Au bout d’un moment, le conjoint en aura marre de se trouver face à
une huître et menacera de partir. Ce qui créera un électrochoc, assure le
psychiatre. Louis, qui aime sa moitié telle qu’elle est, même après un
demi-siècle de bouderies régulières, n’a qu’un conseil : « Il faut
juste se dire que ça ne va pas durer »!
Source : https://www.letemps.ch/opinions
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