jeudi 9 mai 2019

Pourquoi même les adultes continuent de bouder?


Se fermer comme une huître, faire la tronche, bouder… Si cette tendance est fréquente dans l’enfance, certains adultes n’en sortent pas. Pourquoi?

« Pourquoi tu fais la gueule? Qu’est-ce que j’ai dit? Qu’est-ce que j’ai fait? » Ces questions, les conjoints de personnes boudeuses les posent plus souvent qu’à leur tour. Tout va bien, l’ambiance est joyeuse, et hop, d’une minute à l’autre, la personne que vous avez en face de vous se ferme. Parfois, elle restera dans le mutisme pendant des heures… voire des jours!

Un trait qui ne s’estompe pas avec l’âge

Si ce trait de caractère est fréquent dans l’enfance et l’adolescence – avec les bras croisés, les sourcils froncés et la bouche en cul-de-poule – il devrait disparaître ou du moins s’estomper à l’âge adulte. Mais de nombreuses personnes gardent ce pli, qui s’avère déstabilisant pour l’entourage. On peut excuser un enfant boudeur car il est en plein développement. Avec un adulte, c’est moins évident!

« Je boudais souvent quand j’étais ado, et ce fonctionnement est toujours là, constate Caroline, 40 ans. Je le fais principalement avec mon ami. Je m’éloigne et je ne lui parle plus, j’utilise tous les signes qui lui feront comprendre que je ne suis pas contente. Et ce n’est pas toujours facile à désamorcer! Dans le fond, ce serait à moi de m’exprimer. Ce serait plus constructif. Mais c’est une émotion que je n’arrive pas à verbaliser ».

Pour le Dr Nicolas Belleux, psychiatre et psychothérapeute, le fait de bouder est un mécanisme de défense. « La personne a été touchée de plein fouet dans ses valeurs, sa fierté. C’est si douloureux qu’elle n’a d’autre choix que de se replier sur elle-même ».

Face à un mur

Exemple : prenez une personne au chômage qui doit trouver un nouvel emploi. Cette démarche l’angoisse, elle va donc avoir tendance à tout faire pour éviter la confrontation avec une situation difficile. À la fin de la journée, son conjoint lui demande : « Alors? T’as cherché du boulot? » Confrontée à la réalité froide et pragmatique, la personne va se fermer comme une huître, alors que la principale responsable, c’est elle! Explique le psychiatre. Le boudeur souffre car il est obligé de regarder ses angoisses en face. Mais avouer une angoisse et demander de l’aide est souvent surhumain. Résultat : le conjoint qui a posé une question banale se retrouve face à un mur.

Le mur. C’est le mot fort utilisé par Louis, marié depuis 50 ans avec une épouse à tendance boudeuse. Comment a-t-il géré ces accès de mutisme, dont un qui a duré deux semaines? « La seule façon c’est de la laisser tranquille et d’attendre qu’elle remonte petit à petit. Le reste ne marche pas, que ce soit la plaisanterie ou l’énervement. »

Pour certains, un paravent d’émotions

Pour le Docteur Belleux, ce type de comportement peut réveiller d’autres angoisses et engendrer une spirale infernale. Il relève également un aspect manipulateur dans ce fonctionnement. Tant que la personne boudeuse ne prend pas la responsabilité de ses actes, elle ne va pas s’en sortir. Mais idéalement, pour débloquer la situation sur le moment, le conjoint – car oui, celui-ci est une cible privilégiée! – devrait prendre sur lui, respirer, et clarifier sa pensée. « Je sais que ce sujet te tracasse, je ne veux pas te blesser, je suis là pour toi, etc. » Bref, enfiler une bonne paire de gants. Ce qui n’est pas donné à tout le monde!

« Caroline avoue faire la tronche sur le fait de ne pas avoir raison. Et ça me fâche ». Elle qualifie ce trait de caractère comme étant son « paravent d’émotions ». Aujourd’hui, elle parvient de temps en temps à se raisonner, à stopper le processus.

Avec les années, ferait-on moins facilement « la pote » selon l’expression 100% helvétique? Malheureusement non. Ou du moins, rien à voir avec le temps qui passe, mais plutôt avec une prise de conscience, selon les conséquences de la bouderie. Au bout d’un moment, le conjoint en aura marre de se trouver face à une huître et menacera de partir. Ce qui créera un électrochoc, assure le psychiatre. Louis, qui aime sa moitié telle qu’elle est, même après un demi-siècle de bouderies régulières, n’a qu’un conseil : « Il faut juste se dire que ça ne va pas durer »!


Source : https://www.letemps.ch/opinions

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