jeudi 19 mai 2022

Je veux toujours avoir le dernier mot

 

Ils s'entêtent, insistent, ne lâchent jamais le morceau. Que le sujet leur tienne réellement à cœur ou pour des broutilles, ils veulent coûte que coûte avoir le dernier mot. Derrière ces grands têtus que l'on prend souvent pour de simples arrogants se cache généralement des enfants blessés. Explications.

Quand son conjoint commence à discuter lors de repas familiaux, Léna se crispe. « Je sais comment cela va se passer. Il développe ses arguments sur un match de foot ou sur l’attitude d’une personne. Et la conversation avec son interlocuteur se prolonge à coups de « Oui, mais… ». Je ne comprends pas qu’il soit incapable de lâcher prise ». Ceux qui veulent toujours avoir le dernier mot provoquent souvent de l’agacement chez leur entourage. Mais Juliette Allais, psychanalyste transgénérationnelle, rappelle que « derrière l’adulte que l’on perçoit comme simplement arrogant, il y a un enfant blessé à entendre. Sinon, il est difficile de comprendre pourquoi il s’entête dans ce qui nous semble être des broutilles ».

Je défends ma place

Avoir le dernier mot est parfois perçu comme la seule façon de faire respecter son être désirant. La psychologue Geneviève Djénati explique que cette attitude est souvent le fait de « personnes qui n’ont pas pu, petites, exprimer ce qu’elles souhaitaient. On a pu leur interdire de parler à table. Mais elles ont aussi pu être niées en tant que sujets, en raison d’un climat « incestuel », par exemple. Elles s’identifient à l’adulte au pouvoir agressif qui les a brimées et défendent leur place en utilisant la parole jusqu’au bout ». Ce que les proches perçoivent comme une tentative d’avoir toujours raison n’est en réalité que la nécessité de ne plus se soumettre comme un enfant.

J’ai peu d’estime pour moi-même

À écouter celui ou celle qui refuse le dernier mot à son interlocuteur, on peut penser qu’il cherche à prendre l’ascendant sur lui. Juliette Allais précise que « c’est le cas de la personne qui veut clore la conversation parce qu’elle ne laisse pas à son contradicteur la possibilité d’avoir son avis propre. L’autre a alors moins de valeur qu’elle ». Mais la domination n’est pas toujours en jeu dans cette situation. Car, bien souvent, mettre le point final est une manière de cacher le peu de valeur que l’on s’accorde. « Ce qui apparaît alors comme un complexe de supériorité cache en réalité un complexe d’infériorité, poursuit la psychanalyste. Il s’agit de ne pas dévoiler ses failles et ses doutes de peur de ne plus être aimé par l’autre ». Cela implique de donner sans cesse le change en ne montrant, en public, que ses certitudes.

J’ai peur de l’imprévu

Abandonner à l’autre l’issue d’une conversation peut sembler insupportable à la personne qui a besoin de tout maîtriser. « Cela arrive souvent à celles et ceux qui, pendant leur enfance, ont dû faire face à une situation inattendue, indique Geneviève Djénati. La peur de l’imprévu s’est inscrite chez ces personnes. Et quoi de plus imprévisible que la parole de l’autre »? Y être suspendu revient alors à affronter le vide, voire la mort. Tandis qu’avoir le dernier mot permet de se raccrocher à un pilier des plus solides : sa propre parole. Même si cela implique de l’imposer avec violence.

Que faire?

Écoutez vos émotions

La psychologue Geneviève Djénati conseille de s’entraîner à écouter les autres et de se concentrer sur les émotions qui en découlent. « Il s’agit de laisser s’exprimer son entourage sans chercher à mettre le point final à l’échange. Il est possible qu’aucune émotion négative n’en résulte. Et si l’on ressent de la colère ou de la peur, n’est-ce pas l’enfant blessé en soi qui s’éveille »? C’est le moment, alors, de repousser consciemment cet enfant que l’on n’est plus.

Apprenez à lâcher

Est-il vraiment nécessaire d’obtenir le dernier mot dans cette conversation? La psychanalyste transgénérationnelle Juliette Allais suggère de se poser la question aussi souvent que nécessaire pour faire la distinction entre les échanges qui présentent un réel enjeu et ceux qui sont de peu d’importance. Dans ce dernier cas, on s’autorise à lâcher prise, et on réalise à quel point on gagne en énergie positive et en harmonie.

Rejoignez l’autre

Toujours selon Juliette Allais, la psychothérapie gestaltiste des relations d’objet, ou psychothérapie du lien, peut permettre à celui ou celle qui veut avoir le dernier mot de rejoindre l’autre sans violence. « À travers le lien vivant créé avec le thérapeute, on apprend à assouplir son mode de fonctionnement ». Un premier pas pour restaurer l’estime de soi.

Ma solution

Sabine, 42 ans, dessinatrice

« J’ai grandi au sein d’une famille dans laquelle avoir le dernier mot était une question de survie. N’ayant pas été écoutée enfant, j’ai choisi d’exister à travers les mots et le raisonnement. Et j’ai besoin de mettre le point final à une conversation. Cela peut poser problème dans ma vie de couple, quand je pense que mon point de vue éducatif est le plus juste, par exemple. Mais il est possible d’évoluer en se recentrant sur soi-même. J’arrive à présent à me dire que ce n’est pas très grave de ne pas avoir le dernier mot puisque je sais que j’ai raison. La méditation, que je pratique depuis deux ans, m’aide également à lâcher ».

Source : https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Je-veux-toujours-avoir-le-dernier-mot

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire