L’empathie est essentielle
pour la qualité de nos relations : si on ne peut pas ressentir ce que l’autre
vit, la vraie communication est coupée. Mais elle n’a pas que de bons côtés.
Elle devient dommageable quand on en fait une mode ou quand on s’oblige à trop.
Cœur et tête
Il existe deux formes
d’empathie. On parle d’empathie émotionnelle quand on ressent les émotions de
l’autre. On parle d’empathie cognitive, quand on comprend les pensées et les
aspirations de l’autre, quand ça passe par la tête.
L’empathie mature
Si on fait le pont entre
ces deux formes d’empathie, le tout se transforme en « empathie mature » :
on comprend avec sa tête et on ressent avec son cœur. Cet amalgame permettrait
un certain recul grâce à son aspect rationnel. On est empathique, sans pour
autant risquer de se perdre dans le malheur de l’autre.
Avoir de l’empathie est une bonne
chose, mais...
Une personne incapable
d’empathie a probablement un trouble assez grave. Quand on ne peut se mettre en
imagination dans « les souliers de l’autre », le contact est difficile à créer.
La confiance entre deux personnes naît de l’ouverture et de la capacité de
ressentir ce qui est vécu. Le hic est que l’empathie peut en arriver à prendre
trop de place dans notre quotidien. Quand elle devient une mode, une posture de
vie, une obligation morale, on risque de tomber dans certains pièges.
Le problème avec l’empathie
Adam Waitz, professeur
américain de management, fait partie des gens qui nous mettent en garde contre
un excès de ce sentiment. Un des problèmes est la fatigue accumulée. Vous
n’avez qu’à repenser à une période de votre vie où plusieurs personnes avaient
besoin de vous, de votre compréhension, écoute, attention, pour vous souvenir
dans quel état vous étiez. Être empathique est un peu comme devoir se
concentrer sur un travail dans un lieu bruyant et où vous êtes sans cesse
dérangé : c’est stressant et drainant.
Une ressource limitée
Il faudrait voir notre
capacité d’empathie comme une ressource limitée. D’ailleurs, les recherches
démontrent que les gens qui, dans le cadre de leur emploi, doivent donner
beaucoup de soins et être empathiques le sont moins à la maison.
La
fatigue compassionnelle
Il est bien documenté que
les médecins, infirmières, préposés, travailleurs sociaux, etc. sont
particulièrement susceptibles de souffrir de « fatigue compassionnelle ». On
oublie tout de même que, pour la plupart d’entre nous, certaines relations
nécessitent de l’aide, des soins à l’autre. On oublie que plusieurs emplois
requièrent une attention vive au vécu du client. La fatigue compassionnelle
touche davantage de gens qu’on pense.
Trop
loyal
Autre problème avec
l’excès d’empathie : elle peut rendre trop loyal, nous dit encore Adam Waitz.
Vous êtes mon ami, vous faites quelque chose d’illégal et de bête ou de
méchant, qui fait souffrir une troisième personne, seulement voilà, comme je
sais que vous souffrez ces temps-ci, j’ai de l’empathie pour vous, je laisse
passer.
La manipulation
Le psychologue Serge
Tisseron, dans Empathie et manipulations, nous rappelle que
l’empathie sert très bien les manipulateurs. Il est facile d’utiliser les
sentiments des autres. Trump, écrit-il, a utilisé l’empathie envers les
travailleurs pour se faire élire. En plus, le fait que l’empathie est à la mode
nous incline à croire qu’on devrait sans cesse la pratiquer.
Des
solutions
Il existe des
comportements qui assurent une empathie équilibrée. On peut garder en tête le
concept d’« empathie mature ». On peut se souvenir que notre empathie est une ressource
limitée. Si un emploi exige toute notre écoute et beaucoup de cœur, on pense à
prendre des pauses. Si notre vie familiale est exigeante, on garde des moments
pour soi, pour son plaisir.
La
compassion
Autre solution : la
compassion. La compassion monte, car elle nous ouvrirait à un amour plus large
pour l’humanité. En aimant les gens en général, on serait moins drainé par une
attention à des individus, ce qui serait moins éprouvant. On peut, bien sûr,
penser à s’inclure dans cet amour large et attentif pour l’humanité entière. La
compassion a plus de recul que l’empathie : on peut donc continuer à aimer sans
pour autant se fatiguer. C’est une question de mots, bien sûr, pensons
simplement à garder la mesure en toute chose et on ne se perdra pas.
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