L’humour aide à requinquer l’estime de soi, à
relativiser l’échec, voire à trouver l’âme sœur. C’est un allié drôlement
précieux, explique la psychologue et conférencière Rose-Marie Charest.
Comment l’humour aide-t-il à vivre
sereinement?
Même si aucune littérature
scientifique ne permet de croire que l’humour a des effets thérapeutiques sur
le cancer ou sur d’autres maladies, on sait qu’il a plusieurs bienfaits
physiques, comme la détente. Il aide notamment à libérer des tensions et à
diminuer l’anxiété. L’humour contribue aussi à dénouer des situations tendues.
Certaines personnes passent des messages déguisés en blagues, par exemple. Mais
attention : il faut un grand talent pour utiliser l’humour dans de telles
circonstances sans tomber dans l’ironie.
Faire rire les autres, est-ce une
façon de stimuler l’estime de soi, un antidépresseur naturel?
C’est un acte d’intelligence et de
créativité qui n’est pas donné à tout le monde. Pour faire rire, il faut
fonctionner à deux degrés intellectuels simultanément: vous mariez deux idées
différentes et le résultat surprend et amuse. Ça demande un sens aigu de
l’observation, une bonne dose de confiance en soi et la faculté de prendre des
risques. Quand la blague fonctionne, oui, l’effet stimule l’estime de soi.
Le sens de l’humour, ça s’apprend ou
pas?
Il y a des tempéraments qui s’y
prêtent plus facilement que d’autres. Certains enfants — et même certains
adultes — ont de toute évidence le bonheur facile. C’est une question
d’attitude à l’égard de la vie : ces personnes vont facilement rire
d’elles-mêmes ou relativiseront un échec. À l’opposé, il y en a pour qui tout
est grave.
Ceux qui n’ont pas d’humour sont-ils
plus malheureux que les autres?
Il y a certainement une source de
plaisir à laquelle ils n’ont pas accès. Qu’il s’agisse de rire ou de faire
rire, il y a deux dimensions à l’humour: le cognitif et l’affectif. Or, le
style affectif de certaines personnes ne permet pas l’humour, car elles ont
tendance à prendre les choses au premier degré. Alors que pour manifester un
certain sens de l’humour, il faut une disponibilité à la joie.
N’oublions pas que les personnes en
apparence douées pour l’humour ne sont pas nécessairement heureuses. Il s’agit
peut-être d’une stratégie servant à composer avec la tristesse. C’est la
fameuse image du clown qui pleure, même si ce n’est pas universel.
L’humour entraîne-t-il… l’amour?
Absolument, car il rend les gens plus
aimables. Dans une rencontre amoureuse, c’est un élément de séduction
fondamental, puisque la plupart des gens recherchent la compagnie des personnes qui ont de l’humour. On constate aussi que les personnes qui ont un défaut
physique et veulent prendre leur place dans un groupe vont utiliser l’humour
pour se faire aimer.
Hommes et femmes sont-ils égaux en
matière d’humour?
On sait qu’il y a beaucoup moins de
femmes humoristes que d’hommes. Peut-être est-ce parce que les femmes prennent
davantage au sérieux les sujets qui les préoccupent. Ça fait partie de notre
perfectionnisme, de cette tendance à vouloir tout faire très bien… Mais pour
faire une bonne joke, il faut accepter de faire quelque chose
de croche : tu ne peux pas peser chaque mot ou être totalement politiquement
correct!
Par ailleurs, les femmes qui font de
l’humour sont plus facilement accusées de vulgarité que les hommes. Il y a des
sujets tabous pour elles. Une femme qui plaisante sur la sexualité a intérêt à
se lever de bonne heure pour ne pas être critiquée…
Rire de soi, est-ce sain?
Oui, ça s’appelle ne pas se prendre
au sérieux. Être capable de rire de soi, c’est être capable de se voir comme un
tout, ce qui est essentiel pour être heureux. Par exemple, certaines très
belles femmes vieillissent mal, car elles ont bâti toute leur confiance sur
leur beauté. Elles n’ont appris à voir qu’une partie d’elles-mêmes, soit leur
apparence.
Et rire des autres?
Camus disait : le cynisme est la
seule intelligence donnée à tous. Rire des autres est extrêmement facile. Se
valoriser en trouvant un défaut à l’autre pour en rire fait appel à la même
mécanique que l’intimidation. C’est une forme malsaine d’humour qui donne
l’illusion superficielle qu’on ne partage pas la faiblesse de la personne
ciblée.
Peut-on rire de tout?
Je ne suis pas de ceux qui pensent
qu’on peut tout faire et tout dire au nom de l’humour. Il y a des limites à
respecter. Bien sûr, il faut faire attention à ne pas s’imposer de barrières
trop étanches pour ne pas brimer la créativité. Mais dans la vie, notre pouvoir
n’est jamais illimité. C’est la même chose en humour.
Source : Martine Roux, L’actualité
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