Rien ne leur fait plaisir : ni ce qu’on
leur offre, ni ce que la vie leur apporte, ni même leurs propres réalisations.
Comment mettre fin à cette insatisfaction chronique?
Pourquoi?
À l’ère du triomphe de l’individualisme, nous pouvons décider de notre mode de vie, de notre carrière, de nos amours. Or, le bonheur est loin d’être toujours au rendez-vous. Les psychanalystes ne s’en étonnent pas. Pour eux, l’être humain, mû par une pulsion de mort inconsciente, est naturellement outillé pour fabriquer son propre malheur. Ils expliquent également les tendances à l’insatisfaction par un refus de trancher, de se déterminer.
Choisir un partenaire, une voie professionnelle revient à renoncer aux autres possibilités. Les personnalités dites « hystériques », qui se caractérisent par leur égocentrisme, leur sens du drame, leur goût de l’absolu, refusent cette limitation. Et ne sont donc jamais contentes des éventualités qui se présentent à elles, tout en jalousant leurs proches qu’elles pensent mieux lotis.
Rester l’enfant roi
Ainsi Cédrine, 35 ans, se vit comme une éternelle victime du sort. Sa vie
professionnelle est marquée par l’instabilité. « Forcément! Au bout de quelques
mois, je m’ennuie, et je vois tout ce qui ne va pas. De plus, mes employeurs ne
me considèrent pas à ma juste valeur; ils ne paraissent pas se rendre compte de
mes capacités ». Il faut dire que Cédrine se garde bien de les révéler :
l’autre doit s’intéresser suffisamment à elle pour les découvrir seul.
Souvent, les insatisfaits chroniques comme Cédrine ont été des enfants dont les désirs étaient comblés avant même qu’ils aient pu les formuler. Pour continuer à désirer, à exister psychiquement, ils ont dû mettre la barre très haute. Et s’inventer des exigences impossibles à combler. Une façon de signifier aux autres : « Vous êtes impuissants à me satisfaire, incapables de me donner ce que je souhaite ». Mais, quand on a été trop choyé, on peut aussi grandir, à l’inverse, avec la conviction que nos besoins et nos désirs peuvent être immédiatement comblés. Toute frustration est alors insupportable.
À 28 ans, Karine a « tout » pour être heureuse. Pourtant, elle trouve toujours une raison de se plaindre : « C’est plus fort que moi. Comme si, quoi que la vie me donne, je voulais justement ce qu’elle ne me donne pas ». Pour François Roustang, philosophe et psychanalyste, cette « tendance » à la plainte témoigne du refus inconscient d’être heureux. Principal responsable de cette perversion narcissique, l’intérêt excessif porté par chacun à son « moi chéri ». Un intérêt que la fréquentation désormais banalisée des cabinets de psy ne fait, paradoxalement, que cultiver.
Lutter contre la culpabilité
« Ma compagne me reproche mes tendances à critiquer les autres et à être
mécontent de moi, des résultats que j’obtiens, dans la vie ou au travail,
rapporte Julien, 29 ans. Et c’est vrai, je ne suis pas doué pour me réjouir des
événements ». La plupart du temps, les insatisfaits comme Julien sont des
superstitieux qui s’ignorent. Ils craignent, s’ils l’expriment, de voir, comme
par magie, leur bonheur disparaître. Pour les psys, ce comportement psychique
est généralement lié à une culpabilité inconsciente datant de la petite
enfance.
Cas de figure le plus fréquent : ils ont ressenti trop de plaisir à aimer leur
mère (ou leur père) au moment du complexe d’Œdipe; craignant les représailles
du parent du sexe opposé, ils s’en sont beaucoup voulu. Et, puisque
l’inconscient ignore le temps et ne daigne pas les avertir qu’ils ont grandi,
ils continuent de s’en vouloir. D’où leur méfiance chronique vis-à-vis de toute
forme de plaisir trop intense, et leur sévérité à l’égard d’eux-mêmes.
Que faire?
Lister des raisons d’être satisfait
On notera quotidiennement cinq raisons, même petites et pas évidentes, d’être
content, en utilisant des formules affirmatives. Par exemple : « Je vais enfin
pouvoir aménager mon appartement d’une manière plus rationnelle » plutôt que :
« C’est horrible, j’ai une tonne de rangement à terminer avant ce soir ».
Parler positif
« L’expo est intéressante, mais il y avait trop de monde! » Avoir l’esprit
critique, c’est bien, s’il n’a pas toujours le dernier mot. On tentera
d’inverser ses modes d’expression. « Il y avait beaucoup de monde à cette expo,
mais elle valait le coup »! Finir sur une bonne note laisse le dialogue
ouvert.
Se recentrer sur soi
« Tu as tout pour être heureux », « Pense à ceux qui souffrent vraiment ».
Se faire à soi-même ce type de remarques culpabilise et ne permet pas de mieux
se connaître. Or, pour se donner des objectifs viables, il convient de se
recentrer sur soi. En s’interrogeant : « Que me manque-t-il, concrètement, pour
être satisfait »? On notera ses envies, on choisira celles qui sont
accessibles, puis on réfléchira aux étapes à franchir.
Lâcher prise
Vivre heureux, c’est aussi savoir vivre avec ses manques et ses imperfections.
Autrement dit, faire preuve de tolérance et accepter de lâcher prise. Autant
d’attitudes mentales à travailler. Relaxation, yoga, tai-chi favorise cette
détente. Et évite une trop grande rigidité du corps… et de l’esprit.
Se faire le témoin complaisant des plaintes de ces éternels insatisfaits ne résout rien. Ils doivent au contraire se responsabiliser, c’est-à-dire choisir parmi leurs envies – souvent paradoxales –, puis oser les formuler et les assumer. Exemple : aller skier implique d’accepter le froid, mais c’est un sport complet. Opter pour la mer, c’est accepter le monde, mais la chaleur et le bronzage sont au rendez-vous… Ainsi, ils doivent prendre conscience que tout plaisir a un prix, et qu’apprécier certaines choses, c’est renoncer à d’autres.
Témoignage
Jean-Sébastien, 33 ans, journaliste
« Quand j’étais seul, je rêvais d’une
famille; quand j’étais en couple, je regrettais mon indépendance de
célibataire… Je ne me sentais jamais là où je devais être. Il y a trois ans,
j’ai donc commencé une analyse. J’ai ainsi pu cerner la raison principale de
mon « malaise » : cadet de deux frères, j’ai été très choyé. En même
temps, je ne me sentais pas à la hauteur de l’un d’eux, de neuf ans mon aîné,
si brillant à l’école, sur les terrains de sport, dans sa vie privée…
Récemment, j’ai parlé de ça avec mes parents. Ils n’en revenaient pas! « Ton frère est sûr de valoir moins à nos yeux que toi »! J’ai aussi appris que ce frère m’admirait, ç’a été magique. Nous en avons parlé ensemble. Depuis, tout semble devenu plus simple dans mon esprit; pour apprendre à me satisfaire de ce que j’ai et de ce que je suis, j’avais besoin de savoir que j’avais droit à ma place auprès de ce frère ».
Source : https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Jamais-content-e
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