Chaque année, quand mon
anniversaire approche, c’est la même chose.
Immanquablement, je vois quelques
vieux regrets resurgir. Comme des invités plus ou moins bienvenus qui se
joignent à la fête.
L'ajout
d’une année à mon compteur m’amène à réfléchir à celle qui vient de
passer. C’est le temps d’un court bilan personnel. Tantôt, je suis plutôt
fière. Tantôt, quelques choix m’écorchent un peu.
« Un
regret est lié à quelque chose qui est derrière nous, explique Christine
Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. C’est comme si l’on
regardait dans le rétroviseur. On voit la route qu’on a parcourue, les
choix qu’on a faits, notre tracé. Ensuite, il faut utiliser le tout pour
continuer d’avancer. C’est l’occasion de réfléchir à notre situation actuelle
et de déterminer le chemin qu’on veut emprunter ensuite ».
Vivre sans regret est quasi impossible. Et ce n’est pas le but à poursuivre. Même
s’il est parfois désagréable, le regret agit souvent comme catalyseur de
changements. « D’abord, on en détermine la cause. Est-il lié, par
exemple, à notre mode de vie, à notre façon d’être en couple, à notre carrière,
à nos relations? Ensuite, pour le transformer en quelque chose de positif, on
choisit entre réparer en partie ce qui s’est passé ou en tirer des leçons pour
l’avenir », estime la psychologue.
J’ai
vu réapparaitre mes regrets avec le confinement et le bouleversement de mes repères.
Pas un tsunami, mais une vague assez forte pour que je songe à chambarder de
tout bord tout côté les différents pans de ma vie. Je me suis morfondue,
un peu en proie à de grands élans de « Est-ce que je veux continuer comme
ça pendant des années? », « Et si j’avais choisi un autre métier? »,
« Et si l’on avait déménagé́? », etc.
Valérie
Gosselin, psychologue, constate : « La vie nous oblige à faire
toutes sortes de choix. Nous avons tous une nature profonde, et l’on refoule
cette part de nous. Mais il arrive que, dans certaines situations, tout ce
qu’on a enfoui remonte à la surface. On constate alors qu’on n’a peut-être pas
écouté́ la petite voix qui nous criait d’être nous-mêmes ».
La ronde des « et si »
est à éviter, car elle nous force à faire du surplace au lieu d’avancer. « Et
puis, il faut se remettre dans le contexte de l’époque où l’on a dû faire ces
choix! Finalement, il y a assurément des choses positives que l’on vit présentement qui
ne se seraient pas produites si l’on avait fait les choix que l’on regrette
aujourd’hui », nuance Valérie Gosselin.
Exactement
ce que fait Véronique, 35 ans : « J’ai toujours voulu être médecin,
mais j’ai opté pour une autre profession de la santé qui m’a permis d’être sur
le marché́ du travail trois ans après la fin de mon secondaire.
Comme
technologue en imagerie médicale, je gagne bien ma vie, je m’accomplis, mais être
à l’hôpital tous les jours me rappelle que je ne suis pas médecin. Cela ne me
pourrit pas la vie, mais, parfois, c’est plus intense, comme le jour où j’ai réalisé́
que le nouveau radiologiste en poste était plus jeune que moi. Ça m’a sauté́ au
visage : ç’aurait pu être moi. Ces 12 ans de scolarité́ qui me faisaient
si peur auraient été derrière moi, et mon plus grand rêve commencerait.
Cette
prise de conscience m’a toutefois poussée à changer quelque chose. J’ai suivi
des formations, afin de poser plus d’actes médicaux de façon autonome et j’ai intégré
des équipes multidisciplinaires pour relever de nouveaux défis. Quand ce regret
revient, je m’efforce aussi de voir les avantages de mon choix de carrière par
rapport aux inconvénients de la médecine, car les médecins aussi ont des
insatisfactions. Ça m’aide à atténuer le sentiment de ne pas être totalement
sur mon X ».
Voir
un regret comme un moteur qui propulse le changement nous permet justement de
ne pas tout balayer de notre passé. Qu’est-ce que j’ai appris dans mon
parcours qui peut être utile ou qui va me permettre de mieux apprécier ma
prochaine trajectoire?
Un
tel malaise signifie qu’un changement est nécessaire. On ouvre les yeux et,
tout à coup, on remarque un petit sentier : on bifurque ou l’on poursuit comme
avant? La décision est nôtre! Personnellement, j’avance en tremblant un peu,
mais en disant : « Ciao, mes regrets! Voilà une nouvelle chance »!
PAR NADINE DESCHENEAUX
Source :
https://www.coupdepouce.com/vie-perso/psychologie/article/les-regrets-obstacles-ou-moteurs-pour-mieux-avancer