jeudi 11 février 2021

Psycho : Pas parfaite? Tant mieux!

La quête de perfection est non seulement vaine mais ne serait pas non plus souhaitable. C'est aussi dans nos imperfections, que se trouve notre génie propre.

Jamais la société ne nous a imposé un tel devoir de performance! Et cela commence dès l’école « tu peux faire mieux ».  Le syndrome de la perfection touche en priorité les femmes, constate la psychanalyste Valérie Blanco, auteure de L’effet divan. Éloge de la psychanalyse à l’usage de ceux qui veulent déployer leurs ailes (L’Harmattan). Sous la société patriarcale, on savait quelle place nous était assignée. Aujourd’hui, à défaut d’un modèle clé en main, la femme moderne doit faire ses preuves tout le temps et dans tous les domaines et se transformer en déesse Shiva aux mille bras. Nous en payons le prix fort. L’idéal de perfection est impossible à atteindre dans la mesure où c’est une pure abstraction, une norme qui n’existe pas dans la nature, rappelle la psychanalyste et philosophe Elsa Godart, auteure de Je selfie donc je suis (Albin Michel). Accepter nos imperfections, soutiennent les deux psychanalystes, nous aiderait à mieux vivre… Démonstration.

C’est à travers nos failles que passe la lumière

C’est bien au cœur de nos défauts que siège la plus belle part de notre humanité. Comme pour les œuvres d’art, les imperfections donnent du style, de la singularité et du relief à la personnalité, souligne Elsa Godart. Mais s’accepter comme on est suppose de lâcher nos idéaux et de renoncer à notre désir de maîtrise ou de reconnaissance. On a pourtant tout à y gagner, selon celle-ci. Lorsqu’on est persuadée que même imparfaite, je mérite d’exister et d’être aimée, on se met à rayonner comme jamais. Ne plus dépendre du regard des autres nous donne une vraie force, celle d’oser être soi. De plus, c’est en étant dans une forme de vulnérabilité, d’humilité, qu’on développe une sensibilité à la beauté ou aux émotions et qu’on accède à la vérité de l’existence.

Elles sont un espace de liberté

Se conformer aux attentes de la société ou de sa famille nous empêche surtout d’exister selon notre désir propre et singulier, insiste la psychanalyste Valérie Blanco. Nos imperfections sont la trace de ce que nous dérobons à l’autre et à ses exigences. Sans elles, nous aurions vite fait de nous laisser épingler tels de beaux papillons inertes dans une vitrine. C’est le chemin auquel nous invite la psychanalyse : sortir du cadre, faire du hors-piste, aborder notre complexité, cette partie de nous-même la plus singulière, qui nous échappe souvent, et créer un espace de réflexion où le sujet a le droit d’évoluer, de se surprendre. C’est pourquoi, en analyse, certaines questions doivent rester ouvertes, sans réponses, pour ne pas figer le patient dans une sorte de vérité gravée dans le marbre. Sans transgression, l’art, la philosophie, les sciences n’auraient jamais vu le jour.

Nos défauts sont le moteur de notre désir

La meilleure façon de ne pas avancer est de suivre une idée fixe, aimait à répéter Prévert. Et de fait, en concentrant toute notre énergie psychique sur l’objectif réussir, à trop vouloir bien faire, on risque fort de procrastiner ou de passer à côté de l’essentiel. L’idéal de perfection est une mauvaise boussole, confirme Valérie Blanco. Impossible en effet de s’orienter en même temps vers le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Pour que la boussole s’anime et nous indique le chemin à parcourir, il faut choisir une direction! Or ce qui nous met dans le mouvement de la vie, ce sont précisément nos imperfections, que l’on appelle en psychanalyse, notre « manque à être ». Seul le manque crée le désir, l’envie (en-vie). Sans compter que, sans ce sentiment d’incomplétude, l’amour n’existerait pas. La relation est l’articulation de deux manques, fait remarquer la psychanalyste. L’autre doit être intimement persuadé de nous apporter quelque chose pour se sentir exister, de combler un manque. Si l’on est obnubilée par la perfection – comme la « wonder woman » qui n’a besoin de personne, on ne peut pas lui laisser l’espace où il peut venir se loger.

L’envers d’un défaut, c’est souvent une qualité…

Un défaut est une entité fort relative. Un défaut pour quelqu’un peut être jugé comme une qualité par un autre. Ce qui va être considéré comme pénible en famille ou dans le couple peut être un sacré atout dans le boulot! Et si la qualité et le défaut étaient les deux faces d’une même médaille? Chercher la qualité du défaut est un exercice amusant et fort instructif! Vous êtes colérique? Vous êtes sans doute très attachée à la franchise et à l’honnêteté. On vous dit têtue? Vous êtes probablement persévérante et peu influençable… Un défaut est souvent un mécanisme de défense mis en place à un certain moment de notre vie pour nous protéger de l’autre ou du réel, fait remarquer Valérie Blanco. En tirer le bon fil serait une façon de rafraîchir la page! Pour Elsa Godart, lister ses qualités et ses défauts revient à porter un jugement moral sur ce que l’on est en fonction d’une prétendue norme. Or il s’agit surtout de se reconnaître afin de trouver le meilleur agencement de soi à soi et de soi aux autres. Car on s’éloigne rarement de soi-même (chassez le naturel et il revient au galop!). Tout au plus peut-on arrondir les angles pour que nos excès ne viennent pas faire obstacle à la réalisation de nos désirs ou gâcher nos relations avec ceux qu’on aime.

Nos imperfections nous poussent à développer nos points forts

De même que l’aveugle ou le sourd entend ou voit mieux, chacun de nous est enclin à compenser un moins par un plus. Ainsi, une grande timide peut développer un sens aigu de la débrouillardise pour ne pas avoir à demander son chemin dans la rue; une hypersensible, son intuition... Partir à la rencontre de ses failles, de ce qui cloche chez soi, est toujours une exploration riche et passionnante dont émergent des ressources insoupçonnées et des solutions originales, observe Valérie Blanco. C’est une vraie chasse aux trésors! Aussi, plutôt que de vouloir coûte que coûte masquer nos faiblesses par toutes sortes d’artifices ou de prothèses qui risquent de nous amener à développer une personnalité en façade, mieux vaut chercher à nous débrouiller.

Source : https://www.femmeactuelle.fr/sante/psycho/pas-parfaite-tant-mieux-2037708

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