jeudi 29 août 2019

Demander de l'aide, pourquoi c'est difficile?

Du simple coup de main au besoin d’argent, il suffirait parfois de demander. Et pourtant… Qu’il est escarpé le chemin de l’appel au secours! Pourquoi tant de réticence à solliciter nos proches?


« Pas question de demander de l’aide avant d’avoir épuisé toutes les solutions personnelles, confie Coralie, 42 ans, agent de voyages. Je me vois comme un brave petit soldat qui ne faiblit pas. Ma devise pourrait être : « Aide-toi, le ciel t’aidera ».

Inscrite à l’encre indélébile dans nos esprits, cette citation du Chartier embourbé de Jean de La Fontaine rappelle, en vérité, le vieux précepte biblique selon lequel nous ne devons pas invoquer Dieu en vain, tout en transmettant, avant l’heure, une idée chère au développement personnel moderne : nous pouvons beaucoup plus pour nous-mêmes que nous le croyons. Pourtant, dans notre société hyperindividualiste qui célèbre l’autonomie comme valeur suprême, automatiquement, nous la traduisons par : « Tu ne dois compter que sur toi-même ». Tous ou presque, nous avons grandi avec l’idée que ne rien demander à personne, jamais, est source de gloire. Nous sommes fiers de proclamer que nul ne nous a aidés.

Or, nos fantasmes de toute-puissance se révèlent de redoutables ennemis intérieurs lorsque nous traversons des périodes difficiles (chômage, maladie, deuil, séparation, etc.). Ou simplement en cas de besoin d’un coup de main ponctuel, pour déménager ou planter un clou quand on est maladroit.

C’est se sentir redevable


« Par l’intermédiaire de la demande, tout le passé s’entrouvre jusqu’au fin fond de la première enfance », expliquait le psychanalyste Jacques Lacan. C’est dire que, chaque fois que nous ouvrons la bouche pour solliciter une aide, nous réveillons plus ou moins consciemment des fantasmes ou des angoisses enfantines.

La palme de la difficulté revient à la demande d’argent. « Je n’hésite pas à me tourner vers mes proches ou mes collègues pour des conseils, une écoute, du réconfort, confirme Claudia, 44 ans, chef de projet. Mais pas question de solliciter une aide financière. Longtemps, j’ai été très dépensière, je me retrouvais dans le rouge, obligée d’emprunter à mes parents. Demander de l’argent, aujourd’hui, serait un constat d’échec, la preuve que je ne suis pas réellement devenue adulte. Je préférerais commettre un braquage »!

Dans ce monde matérialiste, solliciter une aide financière renvoie à la honte qu’inspirent la pauvreté et l’échec social. C’est oser avouer : « Je n’ai pas réussi ». Complication supplémentaire : inconsciemment, la demande d’argent nous réinstalle dans la position de l’enfant dépendant, qui a faim, froid ou peur et ne peut compter que sur sa mère pour survivre. Elle ressuscite la « dette de vie » qui nous lie à nos parents, à qui nous devons d’être au monde. Or, être en dette est une situation difficilement supportable psychiquement. Comme l’a montré le sociologue Marcel Mauss, nous sommes en position d’infériorité vis-à-vis de celui qui donne, nous nous sentons à sa merci, dépossédés de nous-mêmes. Nous devenons son « obligé ». D’où le soulagement quand nous pouvons enfin prononcer cette petite phrase libératrice : « Nous sommes quittes ».

C’est se mettre à nu


« Je ne peux pas payer un déménagement, vous pouvez me donner un coup de main »? « J’ai le vertige, tu ne voudrais pas venir remplacer l’ampoule de la cuisine »? « Je ne comprends rien à ce dossier, tu m’expliques »? Petit ou grand service, appeler à l’aide revient à avouer son impuissance ou son incompétence – même si elle n’est que très limitée. Or, pour certains d’entre nous, cet aveu est trop douloureux. À fortiori quand, au plus mal, ils ont le plus besoin d’être épaulés. En effet, « le sentiment que l’homme supporte le plus difficilement est la pitié, surtout quand il la mérite », écrivait Honoré de Balzac.

Après un divorce houleux, Jean-Jacques, 34 ans, cadre commercial, était au bord du suicide quand, à l’approche des vacances, il a osé demander à un couple d’amis s’il pouvait partir avec eux. « Vraiment, je n’osais pas. Avec mon épouse, nous formions un couple modèle. Je croyais que tout était parfait entre nous. Je me trompais puisqu’elle a rencontré quelqu’un, et en trois mois, tout était fini. Demander le soutien de mes amis, c’était renoncer à mon image de mec qui a de la chance, qui réussit ». Et endosser l’habit du type qui fait pitié, dont les autres parlent en disant : « Le pauvre, tu as vu ce qui lui arrive, je n’aimerais pas être à sa place ».

C’est risquer d’être rejeté

Il y a aussi ceux qui n’osent pas demander, de peur de « déranger ». Ce blocage résulte souvent d’une enfance où la personne avait la sensation d’être en trop, de ne pas avoir de place dans la famille. Ou bien ses parents étaient trop submergés par leurs propres difficultés pour pouvoir se soucier de ses besoins. Par conséquent, elle a pris très tôt l’habitude de les taire et de garder ses problèmes pour elle. Devenus adultes, nous devrions quand même pouvoir réaliser que nos amis sont assez grands pour dire « non » s’ils ne sont pas en mesure de nous aider. Mais voilà, ce « non », nous le redoutons parfois encore plus. Aussi, nous nous faisons tout un cinéma intérieur, anticipons le refus alors que nous n’avons même pas formulé notre requête.

Pourquoi tant d’angoisse? Nous ne pouvons nous empêcher de penser que c’est notre être tout entier qui est rejeté. Et commençons à douter de cet autre qui nous oppose une fin de non-recevoir. Finalement, il est moins ouvert, moins sympathique et généreux que nous le croyions… Comme l’écrivait le philosophe grec Épicure : « Ce n’est pas tant l’aide de nos amis qui nous aide, que notre confiance en cette aide ». Un refus de leur part et, soudain, le lien est mis à l’épreuve. « Se faire aider » est désormais l’expression consacrée pour dire « aller voir un psy ». Quand nous sommes incapables d’appeler nos amis, ou quand nous avons trop peur d’arrêter un passant pour demander notre chemin (« Je n’ose pas déranger, il va me prendre pour un idiot… »), il est temps de voir un thérapeute. D’ailleurs, les psychiatres et psychothérapeutes comportementalistes utilisent cette épreuve – parler à un inconnu dans la rue – pour aider leurs patients à retrouver confiance en eux.

En tout cas, il devient plus facile d’appeler au secours en prenant conscience que la plupart des humains aiment rendre service et sont plutôt contents d’être sollicités. La vie en société, c’est aussi le plaisir de l’échange et de l’entraide. Quand nous réussissons à améliorer le sort des autres, nous nous sentons utiles, fiers, plus aimables. Et n’oublions pas que les services que nous demandons, nous aurons sûrement l’occasion de les rendre.

Laisser à l’autre la liberté de dire non

« À l’idée d’appeler à l’aide, beaucoup renoncent, estimant qu’il s’agit d’un aveu de faiblesse. À mon sens, c’est tout le contraire. Cette demande témoigne d’une capacité d’autonomie, dès lors qu’elle est faite dans la liberté et la clarté. Il est donc essentiel d’établir un contrat clair avec la personne que nous allons solliciter. Et de formuler les choses de façon posée, dans le calme. Annoncer, par exemple : « J’ai une demande à te faire : tu peux dire oui ou non ». C’est important que de laisser à l’autre la liberté d’aider ou pas. Car il n’y a rien de pire que de soutenir quelqu’un à contrecœur. Et cela signifie que nous sommes, pour notre part, dans la demande et non dans l’exigence. Cela veut aussi dire que nous sommes capables de faire face à une réponse négative. D’où l’importance de bien cibler la personne que nous allons solliciter. Afin de ne pas remettre le pied dans des schémas anciens – le sentiment d’être dévalorisé par l’autre, d’être jugé –, sachons choisir des gens qui portent sur nous un regard bienveillant ».

Accepter d’être parfois dépendant

« Cette problématique me fait penser à un proverbe africain : « Il faut tout un village pour élever un enfant ». Si nous avons tant de mal à demander de l’aide, c’est que, dans notre société occidentale, l’accent est mis sur la force, sur l’indépendance. Mais il est faux de croire que nous pouvons toujours nous en sortir seuls. La première chose à faire serait donc de nous extraire de cette illusion culturelle. Il nous faut accepter d’être, parfois, légèrement dépendants! Je conseillerais ensuite de prêter l’oreille à ce que nous nous racontons quand nous hésitons à solliciter quelqu’un. « Il ne sera pas là », « Cela va le déranger », « Il n’aura pas le temps » sont des pensées qui font écho à nos représentations passées. L’enjeu : vérifier si ces perceptions sont toujours valables. Pierre ou Paul, que je vais solliciter, réagiront-ils comme mes parents qui n’arrêtaient pas de me dire : « Débrouille-toi »? Dans la plupart des cas, nous réalisons que ces vieux schémas n’ont plus lieu d’être ».

Considérer le plaisir d’autrui à être sollicité

« Nous nous mettrions en position de faiblesse? Changeons notre point de vue! Nous pouvons considérer que nous allons faire plaisir à l’autre. Il ne faut pas oublier qu’être sollicité peut se révéler valorisant. À mon sens, il est également primordial d’affirmer son besoin, de le dire clairement : « J’ai besoin », avec ce « je », impliquant, pour interpeller l’autre de façon gratifiante pour lui. Nul besoin de se justifier démesurément, l’autre n’a pas à rentrer dans ces détails. Nous ne faisons que perdre du temps et noyer le poisson là où il suffit de montrer à autrui combien il compte pour nous. Évidemment, il est nécessaire de dépasser la sempiternelle peur du : « Je vais déranger ». Pourquoi valoriser systématiquement l’hypothèse négative? Essayons plutôt de trouver des raisons positives comme : « Il va me trouver courageux », « Elle va être contente que je la sollicite ». Et surtout, n’oublions pas de remercier. Et, par-là, d’indiquer combien cette intervention amie a été importante pour nous, et enrichira notre relation ».

Source : https://www.psychologies.com

La recette pour de bonnes relations interpersonnelles


CBA, ça veut dire contribution, bienveillance et apport. Êtes-vous capable d’offrir ces trois éléments aux gens que vous côtoyez?

Comment aborderez-vous chaque tâche qui vous attend aujourd’hui? Avec un sentiment positif d’anticipation ou un sentiment d’obligation? Vous allez rencontrer des clients. Vous allez côtoyer des collègues. Vous allez échanger avec des patrons. Vous pouvez avoir un impact sur tous ces échanges. Vous avez le pouvoir de les bonifier et de les rendre agréables ou de les purger de leur essence et de les faire mourir.

Une bonne manière d’aborder toutes vos relations, c’est de vous rappeler l’acronyme CBA: connexion, bienveillance et apport.

Le premier élément, c’est votre capacité à bien vous connecter aux autres, à être présent. Quand vous êtes avec quelqu’un, êtes-vous vraiment là? C’est tellement facile de vous faire prendre en otage par votre dialogue intérieur, d’être tenté de préparer votre prochaine réplique ou de planifier mentalement le reste de votre journée.

Que diriez-vous de vous rapprocher de votre interlocuteur, de vous ouvrir à lui, de partager ce que vous pensez et d’être à l’écoute de ce qui l’anime? Les personnes que vous rencontrez ne sont pas de simples pions qui peuvent vous permettre d’avancer. Ce sont des partenaires potentiels. En vous connectant réellement à elles, vous vous donnez la permission d’explorer ce partenariat et de faire la preuve que vous êtes une personne qui vaut la peine d’être mieux connue.

Le deuxième élément, c’est la bienveillance. Souhaitez-vous faire une différence dans la vie de votre interlocuteur? Voulez-vous qu’il sente que vous lui souhaitez ce qu’il y a de mieux? Si vous n’en êtes pas pleinement conscient, vos gestes et votre attitude ne le communiqueront pas. Mais si vous en êtes conscient, vous sentirez que le courant passe mieux entre vous. Votre relation sera plus authentique.

Et finalement, souhaitez-vous apporter quelque chose à cette personne ou préférez-vous sortir gagnant de la relation sans qu’elle y gagne également? Encore une fois, votre intention aura un impact certain sur la qualité de la relation et sur les résultats de la rencontre.

Il peut être tentant d’ouvrir une rencontre en se concentrant sur nos propres besoins. Mais si nous nous présentons avec le désir de nous connecter à l’autre, avec de la bienveillance et avec l’envie d’apporter quelque chose à notre interlocuteur, nous changerons radicalement la dynamique et les résultats de la réunion.

Faites le test aujourd’hui. Présentez-vous à chaque rencontre avec une approche positive et le souci de l’autre. Restez conscient de votre CBA. Vous remarquerez que les gens réagiront différemment à vos arguments et qu’ils auront davantage envie de vous dire oui.

Connectez-vous aux autres. Soyez bienveillant. Ayez quelque chose à apporter. Vous ne tarderez pas à réaliser que vos relations sont tellement plus agréables et présentent de meilleures chances d’aller plus loin. Faites le test!

Source : https://journalmetro.com/opinions/au-boulot/507906/