jeudi 22 septembre 2016

Les hommes jouent, les femmes rêvent

On dit les hommes insouciants, voire immatures, les femmes plutôt ancrées dans la réalité, trop sérieuses. Auraient-elles plus de difficultés à renouer avec leur part d’enfance? Non, répondent les psys. Elles le font simplement différemment.

« J’habite une petite résidence, raconte Yvan, 36 ans, ingénieur. En fin de semaine, avec quelques copains, nous improvisons souvent une partie de foot ou de volley, à laquelle viennent se mêler les enfants du quartier. La première fois que j’ai joué, c’était pour faire plaisir à un ami. Il était venu me chercher à la sortie du travail – j’étais alors obsédé par des soucis professionnels – et je n’avais pas très envie de l’accompagner. Eh bien, à ma grande surprise, j’ai pris un plaisir fou à jouer. Pendant deux heures, j’ai oublié tous mes ennuis. » Souvent, les femmes regardent, avec attendrissement et étonnement mêlés, la manière dont leurs conjoints se mettent, d’un coup, à redevenir enfants sous leurs yeux, à s’amuser, du bout du pied, avec une boîte en ferraille, ou à passer un après-midi entier à construire un château de sable.

Une différence de comportements
Les hommes auraient-ils plus de facilité à redevenir enfants, dans l’insouciance la plus grande? Et si les femmes semblent moins douées en la matière, serait-ce parce qu’elles sont potentiellement mères et qu’à cet égard elles développent un sens des responsabilités qui leur barre l’accès à cette légèreté?

« Les hommes ne renouent pas forcément mieux avec leur Enfant intérieur, commente Marie-Laure Colonna, psychanalyste. En revanche, cela passe chez eux par des attitudes extériorisées, donc plus visibles, alors que les femmes sont plus tournées vers leur intérieur. Jung disait que l’inconscient est très conservateur : il s’est formé sur dix millions d’années et les jeux inventés par les hommes d’aujourd’hui sont l’équivalent, à la préhistoire, de la poursuite des animaux. Les femmes, elles, restaient aux alentours de la caverne. Cet héritage biologique se traduit par une différence de comportements : les premiers agissent plus qu’ils ne parlent, c’est leur façon à eux de communiquer; les secondes utilisent surtout les mots. »

Changer de rôle
Si les femmes ne renouent pas avec leur Enfant intérieur par l’intermédiaire du jeu, comment font-elles? « Tous les samedis, je vais danser la salsa jusque tard dans la nuit, raconte Chloé, 32 ans, avocate. Parfois, mon mari m’accompagne, parfois, il préfère rester à la maison. Moi, j’ai un besoin viscéral d’y aller. Quand je danse, j’oublie tout et après, je suis comme régénérée. Je suis enceinte de six mois et l’une de mes inquiétudes est de savoir comment, les premiers temps après la naissance de mon bébé, je vais réussir à m’en passer ».

« Le jeu s’élabore par identification avec l’adulte de même sexe, précise Gilles Formet, psychiatre et psychanalyste. C’est pour cela que les filles jouent plutôt à la poupée quand les garçons préfèrent les petites voitures ou le football. Plus tard, quand le garçon est devenu homme et qu’il tape dans un ballon, cela reste un jeu. En revanche, quand les femmes tiennent la maison ou s’occupent de leurs enfants, ce qui était jeu lorsqu’elles étaient petites devient une fonction. Aussi, pour renouer avec leur Enfant intérieur, elles vont se tourner vers des activités qui leur permettent de changer de rôle, comme le théâtre, la peinture, la danse. Elles y trouvent une forme d’oubli du quotidien qui est bien ce que procure le jeu aux enfants ».

Jouir de l’instant présent
Car finalement, que signifie renouer avec l’enfant en soi si ce n’est, mettant futur et passé entre parenthèses, être capable de jouir de l’instant? Les Grecs distinguaient deux temps : khronos, le temps social, utilisé pour des activités rentables comme gagner sa vie, et kaïros, le moment vécu uniquement pour ce qu’il représente. C’est à ce dernier que nous relie notre Enfant intérieur. « Et les femmes ont une grande facilité à quitter le temps chronologique, commente Marie-Laure Colonna. Elles savent rêver sur une lumière, un bouquet, une étoffe, sans penser à les acquérir. Cette faculté est une source énergétique irremplaçable ».

Et c’est cette énergie qui permet de distinguer l’infantile de l’Enfant intérieur. De nombreuses femmes se plaignent des comportements régressifs de leur compagnon avec leurs enfants. Mais Gilles Formet rappelle qu’il est important que « les femmes ne jugent pas les hommes, ou plutôt que les mères ne jugent pas les pères. Ceux-ci ont, plus qu’elles, besoin de jouer avec leurs enfants – comme avec leurs copains – parce qu’ils parlent moins. Les hommes ont un savoir non verbal très précieux, qu’ils leur transmettent de cette façon ».

Dans ce domaine, plus que dans d’autres, on perçoit combien hommes et femmes, ou plutôt masculin et féminin, sont différents dans leurs façons d’appréhender les choses. L’important est que chacun réussisse à se connecter à l’enfant en lui, car « le perdre, c’est perdre ses racines et son goût de vivre » conclut Marie-Laure Colonna. Il est le maître de la créativité dans nos vies et c’est lui qui nous permet régulièrement de nous concentrer sur l’instant pour en sentir toute la saveur et en extraire tout le potentiel.

MON HOMME EST-IL INFANTILE?
C’est un reproche fréquent chez les femmes : l’immaturité de leur compagnon. À quoi reconnaît-on qu’un homme est infantile?

« À ce qu’il agit comme un éternel adolescent », répond Marie-Laure Colonna. Il jouera, par exemple, avec ses enfants comme avec des copains, sans être jamais capable de marquer la loi. Les hommes de ce type n’ont en fait pas quitté l’inconscient de leur mère. C’est comme si une mère, à l’intérieur d’eux-mêmes, leur interdisait de devenir adultes. Ils sont souvent grands consommateurs de sports, de voyages, d’objets, de fêtes, car ils recherchent une vie extérieure euphorique afin de compenser une intériorité sombre et dépressive.

Pourquoi des femmes choisissent-elles ce genre d’hommes? Parce que, si elles se plaignent de leur côté infantile – elles ne se trouvent jamais, en tant que femme et amante, face à un homme et amant –, elles sont rassurées de jouer un rôle de mère très puissante.


Source : psychologies.com

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