Il était une fois un vieux grand-père qui assistait au repas de mariage de sa dernière petite-fille. Il était heureux, serein, apaisé devant le merveilleux spectacle de toute sa famille réunie. Leur joie, leur bonheur à tous l'entouraient d'une émotion tendre.
Comme elle était belle, sa petite-fille dans une éblouissante robe blanche! Elle riait de bon cœur en découpant avec son jeune époux la somptueuse pièce montée toute scintillante de caramel blond et de dragées roses.
- « Servez-vous
tous et faites passer à vos voisins de table, disait-elle en déposant les choux
tout rebondis de crème sur les assiettes chaudes. »
Quand la petite-fille
passa l'assiette à son grand-père :
- « Tiens, Pépé
Paco! Prends donc du gâteau! »
- « Mais non!
Fais passer le plat, l'interrompit sa mère, toujours attentive, tu sais que
Pépé n'aime pas les gâteaux. »
Il y eut un instant de
silence et l'on entendit soudain la voix joyeuse du grand-père :
- « Mais oui!
J'aime les gâteaux. Tiens, je vais prendre celui-là. »
Regard stupéfait de sa
fille.
- « Comment ça,
tu aimes les gâteaux? Mais tu n'as jamais aimé les gâteaux! Moi ta fille, j'ai
cinquante ans et je ne t'ai jamais vu manger un gâteau de toute ma vie… »
- « De ta vie à toi,
ma fille, oui…Mais pas de la mienne! C'est que je les aime, les gâteaux! J'ai
toujours aimé les gâteaux… Seulement, nous étions si pauvres quand
vous étiez petits avec tes sœurs et ton frère, tu le sais bien… Des gâteaux,
votre mère ne pouvait en acheter qu'une fois de temps en temps, et encore
seulement les dimanches de fête… Elle en prenait un pour chacun, c'est sûr,
mais moi, quand je voyais tes yeux à toi, ma toute petite, quand tu venais
t'asseoir sur mes genoux et que tu dévorais ton gâteau avec tant de plaisir,
mon plaisir à moi, tu vois, c'était de te regarder manger mon gâteau que je te
donnais si volontiers. Et j'ajoutais toujours pour que ton plaisir soit complet
: « Mange ma petite chouette, va! Moi je n'aime pas les gâteaux. »
Le grand-père en disant cela souriait tendrement, dodelinant doucement de la tête. Il dit encore en riant franchement :
- « Tiens, ma
fille, aujourd'hui c'est fête, donne-moi aussi celui qui reste sur le plat, là…
D'ailleurs il va finir par tomber si tu continues à trembler comme ça! Tu as
froid ou c'est l'émotion de marier ta fille? »
Il
arrive quelquefois que les cadeaux d'amour mettent de longues années avant
d'être reconnus comme tels. Il suffit parfois d'un moment de tendresse,
qui vient se poser sur un souvenir avec la délicatesse d'un pétale de fleur
pour qu'ils se révèlent au grand jour.
Source :
Jacques Salomé - « Contes à aimer… Contes à s'aimer. »
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