trop tard pour agir?
Quel temps passons-nous réellement sur les réseaux sociaux? Dans le monde, les gens y consacrent 1,77 heure par jour, ce qui est en augmentation. Et les jeunes de 16 à 24 ans les utilisent à raison de 2,68 heures par jour. Cela représente près de 1 000 heures par année! Et cela fait beaucoup de temps et parfois beaucoup de temps perdu.
Ces données, un brin surprenantes, proviennent de GlobalWebIndex, qui mène régulièrement un vaste sondage international sur les réseaux sociaux et pour lequel plus de 50 000 personnes âgées de 16 à 64 ans sont interviewées.
On y apprend que notre téléphone cellulaire, malgré son nom (télé- = loin, et -phone = son), n’est utilisé que de 15 % à 20 % du temps pour émettre des sons à distance, c’est-à-dire parler au téléphone, le reste étant plutôt consacré à naviguer sur Internet.
Et que 80 % des utilisateurs consultent leur cellulaire moins de 15 minutes après le réveil! Je le confesse, c’est aussi ce que je fais à mon lever — du moins je prends mes courriels. Tout cela montre à quel point nous sommes devenus avides de ces outils et de «l’information» qu’ils contiennent.
Des Canadiens plus raisonnables?
Les Canadiens passent-ils beaucoup de temps sur les réseaux sociaux? Cela m’a étonné, mais au Canada, les gens y passent moitié moins de temps qu’ailleurs. Par exemple, les Argentins, les Brésiliens, les Indonésiens, les Mexicains, les Philippins, les Sud-Africains, les Thaïlandais et les Turcs nous « battent » aisément.
L’usage qui en est fait au Canada est plutôt équivalent à celui de la France, de l’Allemagne et des États-Unis, pays dont le développement économique se compare au nôtre. C’est curieux, j’aurais vraiment crû le contraire. Il est aussi possible que dans certains pays, le cellulaire soit plus souvent l’unique lien téléphonique.
Sommes-nous dépendants?
On parle souvent de la « dépendance » aux réseaux sociaux. Mais peut-on vraiment en devenir « dépendants », comme on peut l’être, par exemple, d’une drogue ou du jeu?
En fait oui, sans aucun doute, et ce n’est pas étonnant, puisque toutes ces dépendances fonctionnent sensiblement de la même façon: il s’agit de stimuler certaines régions du cerveau — centre du plaisir — qui sécrétent de la dopamine afin de nous procurer notre petite dose de bonheur quotidien, à laquelle on s’habitue et qu’on redemande. Les drogues fonctionnent selon le même mécanisme, mais de façon plus intense.
Il semble que les tweets et les messages Facebook ont justement la propriété de nous faire sécréter de la dopamine. À cet égard, toutes les stimulations se valent et nous pouvons donc aisément être sujet à une dépendance, dont il ne faut pas sous-estimer l’importance, comme nous le rappelaient Karine Igartua, psychiatre, et Joe Flanders, psychologue, dans un intéressant épisode d’Une Pilule, une petite granule sur Télé-Québec.
Ma propre dépendance
Ceux qui me suivent, principalement sur Facebook, savent que depuis quelques années, j’utilise un peu trop les réseaux sociaux. Bien entendu, je prétends que Facebook est pour moi un moyen de communication surtout professionnel. Mais bon…
Je suis également sur Twitter, que je trouve moins efficace pour diffuser de l’information et rejoindre des gens. Je l’utilise donc beaucoup moins.
La première étape étant toujours d’accepter la réalité, je dois admettre que je suis un peu dépendant des réseaux sociaux.
Je me soigne donc — ou du moins je tente de me maîtriser un peu. Pour arriver à m’en tenir loin, je dois m’inventer des mots de passe de 80 caractères et utiliser des logiciels comme SelfControl afin de limiter le temps passé — et bien souvent perdu — sur les réseaux.
Au moins, lorsque je suis en vacances, je réussis à me détacher totalement des réseaux sociaux, et même de mes courriels. Il faut dire que je me déconnecte alors littéralement des réseaux et de mon accès courriel courant. De mon cellulaire, impossible de récupérer mon compte, ce qui attendra donc mon retour à la maison. Ah, la paix!
Difficile de se tenir loin
Nos réseaux sociaux ont par ailleurs un avantage concurrentiel important, puisque presque tout le monde porte sur soi la possibilité de déclencher une petite poussée de dopamine — à toute heure du jour ou de la nuit!
Imaginons un ex-fumeur qui traînerait toujours un paquet de cigarettes dans sa poche ou un ex-alcoolique qui aurait toujours sur lui une bouteille. C’est d’autant plus difficile de s’en passer et de se détacher de cette dépendance.
Bref, cette présence constante de nos téléphones intelligents dans nos vies amplifie la tentation et rend plus difficile «l’abstinence».
Mais ce genre de dépendance cause-t-il vraiment toujours un problème? Posez la question à des adolescents et ils ne comprendront sans doute même pas de quoi vous parlez.
En fait, la dépendance aux réseaux sociaux semble ne comporter que peu de risques graves. Hormis celui, bien documenté, d’un accroissement du risque d’accident de la route!
En général, une dépendance bien gérée ne cause pas trop de problèmes.
C’est plutôt quand la cyberdépendance envahit l’espace vital et empêche la personne de fonctionner normalement que l’on parle de problème.
Par exemple, les personnes — j’en connais beaucoup — qui consultent de manière compulsive leur cellulaire pour prendre leurs messages, au point d’interrompe leurs activités ou un bon repas, ont certainement un petit problème de dépendance, qui commence à empiéter sur leur espace vital.
Personnellement, je trouve insupportable l’habitude de consulter constamment son cellulaire lors de rencontres sociales «en personne». Et ceux qui acceptent d’être constamment «alertés» par leurs courriels, textos, messages Facebook et autres devraient réfléchir à cet envahissement excessif dans leur vie courante.
J’ai d’ailleurs déjà discuté de l’importance de fermer toute cette quincaillerie la nuit.
Des effets néfastes
Une dépendance trop forte aurait même des effets sur la santé mentale. Certaines recherches ont en effet montré que l’anxiété et la dépression sont associées à l’abus des réseaux sociaux, bien que des études plus récentes remettent cela en cause, surtout lorsque l’usage qui en est fait est « normal ».
On sait aussi que la dépendance aux réseaux sociaux — comme toute dépendance — peut affecter la vie de tous les jours et la performance au travail.
Et notre moral, de manière générale? Peut-on l’améliorer en prenant de temps en temps nos distances par rapport aux réseaux sociaux? Il semble que oui. On a publié une recherche intéressante portant sur l’effet de cesser d’utiliser Facebook.
On a demandé à la moitié d’un groupe de grands adeptes de Facebook de cesser de l’utiliser pendant une semaine et à l’autre de continuer. Or, ceux qui avaient cessé se sentaient mieux au terme de la semaine; ils ressentaient moins d’inquiétude et étaient plus enthousiastes.
Ça vaut ce que ça vaut, mais je ne serais pas surpris qu’il soit vraiment sain de prendre ses distances de temps à autre. C’est en tout cas l’effet que je ressens lorsque je me coupe des réseaux sociaux pour une certaine période.
Soigner sa dépendance
Pour les cas sévères de dépendance — puisque cela existe —, il faut parfois faire appel à des ressources spécialisées et surtout ne pas hésiter à prendre contact si on sent que l’envahissement nous gâche la vie. Il existe d’ailleurs des centres spécialisés pour soigner les vrais addicts aux réseaux sociaux.
Au moins, en attendant d’aller prendre nos messages et consulter notre « mur » Facebook, réfléchissons un peu à cette nouvelle réalité, qui transforme notre relation au monde, souvent pour le mieux, mais parfois pour le pire.
Vaut mieux y penser, puisque les réseaux sociaux ne disparaîtront sûrement pas de nos vies demain matin.
Source : L'actualité, juillet 2016
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